Prison poisseuse

Masure affaissée racornie mon cœur criaille au fond des forêts
mon cœur autophage habité de sales poisons, de sales sordides reptiles de douleur
s’agite, se soulève — et les oiseaux s’enfuient
quand je respire je me fracasse
et j’explose j’ai des CROCS QUI MORDENT
ô sangliers échoués
— j’éteins tout — mon cœur ma gorge mes affres mes tendons
cette prison poisseuse où surnagent des vers
Je me souviens, je me souviens de ce jour de novembre
où des chiens ont hurlé, vibrants, galeux, méchants
puants et plus blancs que l’agonie — ramasse ! étale-toi, soumets-toi, hurle !
ne me lâchent plus s’accrochent là, depuis
— je refuse, ne pas m’agenouiller, ne pas renoncer
alors voilà cent années depuis ce jour de
novembre que je suis habitée de portes ouvertes aux quatre vents
que je traîne en moi ce sang nouveau et souillé
que je traîne en moi un cobra qui gémit et se tord et ne sait que tuer pour vivre

et moi tu sais, je ne demande qu’à m’allonger dans la mousse et les herbes
prenez mon bras compagnons, faites une ronde
souhaitez-moi nue et vraie
je ne demande qu’à boire l’hydromel et serrer contre moi les lumières
je ne demande qu’à chanter je veux que ma voix soit ma voix
et se fonde bleutée dans le fracas des brigands des torrents des charriots des marteaux
je veux le vent qui claque en mes poumons et en ma joie
et moi tu sais je veux tuer ce cobra qui veut tuer

 

Blond comme les blés – Louis Aragon

Et brusquement, pour la première fois de ma vie, j’étais saisi de cette idée que les hommes n’ont trouvé qu’un terme de comparaison à ce qui est blond  : comme les blés, et l’on a cru tout dire. Les blés, malheureux, mais n’avez vous jamais regardé les fougères ? J’ai mordu tout un an des cheveux de fougère. J’ai connu des cheveux de résine, des cheveux de topaze, des cheveux d’hystérie. Blond comme l’hystérie, blond comme le ciel, blond comme la fatigue, blond comme le baiser. Sur la palette des blondeurs, je mettrais l’élégance des automobiles, l’odeur des sainfouins, le silence des matinées, les perplexités de l’attente, les ravages des frôlements. Qu’il est blond le bruit de la pluie, qu’il est blond le chant des miroirs ! Du parfum des gants au cri de la chouette, du battement de cœur de l’assassin à la flamme-fleur des cytises, de la morsure à la chanson, que de blondeurs, que de paupières : blondeur des toits, blondeur des vents, blondeur des tables, ou des palmes, il y a des jours entiers de blondeur, des grands magasins de Blond, des galeries pour le désir, des arsenaux de poudre d’orangeade. […] Du blanc au rouge par le jaune, le blond ne livre pas son mystère. Le blond ressemble au balbutiement de la volupté, aux pirateries des lèvres, au frémissement des eaux limpides. Le blond échappe à ce qui définit, par une sorte de chemin capricieux où je rencontre les fleurs et les coquillages. C’est une espèce de reflet de la femme sur les pierres, une ombre paradoxale de caresses dans l’air, un souffle de défaite de la raison. Blonds comme le règne de l’étreinte, les cheveux se dissolvaient donc dans la boutique du passage, et mois je me laissais mourir depuis un quart d’heure environ. Il me semblait que j’aurais pu passer ma vie non loin de cet essaim de guêpes, non loin de ce fleuve de lueurs. Dans ce lieu sous-marin, comment ne pas penser à ces héroïnes de cinéma qui, à la recherche d’une bague perdue, enferment dans un scaphandre toute leur Amérique nacrée ? Cette chevelure déployée avait la pâleur électrique des orages, l’embu d’une respiration sur le métal. Une sorte de bête lasse qui somnole en voiture. On s’étonnait qu’elle ne fit pas plus de bruit que des pieds déchaussés sur le tapis. Qu’y-a-t-il de plus blond que la mousse ? J’ai souvent cru voir du champagne sur le sol des forêts. Et les girolles ! Les oronges ! Les lièvres qui fuient ! Le cerne des ongles ! Le cœur du bois ! La couleur rose ! Le sang des plantes ! Les yeux des biches ! La mémoire : la mémoire est blonde vraiment. A ses confins, là où le souvenir se marie au mensonge, les jolies grappes de clarté !

 

Le paysan de Paris, 1926.

A l’heure du poulpe

Crasseuse forêt, voluptueux décombres : sous le regard du poulpe, les étoiles mugissent et les fourmis se précipitent en foule envahissent la prison

crasseuse forêt, voluptueux
décombres,
ils n’en
finissent
pas,
ILS N’EN FINISSENT PAS ils sont gris comme une carrière ambitieuse, ils ne sont jamais obliques, et gris et infinis comme une sous-préfecture, et là s’en vont les fourmis. Ma douleur est la tienne, et je te veux, je te veux, je te veux. Mon ventre cherche la musique de l’incertitude, mais mon cœur ne veut que toi. La mer s’est changée en vin, elle recrache mille tentacules, elle n’en finit pas de crever, et l’horizon coule à cheval sur le corps nu de ma maison, qui, orageuse, se mutile d’escalators et de dentelles. Un hall de gare, l’existence morne des travailleurs. Quelque chose m’échappe de cette toile de fer lointaine, courageuse et vorace, à la limite de l’ouverture et de la nudité. A part ça, tout est normal. Je hurle et je veux sortir. Le monde est clos. Depuis cinq mois mon visage n’a pas connu le vent.

Effacement

Le vent est si froid que je pourrais l’arracher
de mon visage, et le prendre, là, dans mes mains. Est-ce toi qui dors contre la montagne…
Est-ce toi contre la glace bruissante, seule au-dessus du néant, suspendue entre la roche et la mort…

Est-ce toi, le corps sourd, engoncée transformée en pesante arachnide, harcelée par la seule pensée de la prochaine seconde, muscles tendus, un être agile et lourd, caillasse parmi la caillasse, avec au-dedans de toi le souffle, le cœur lent ?

Rien ne tressaille que la neige sous le vent. La glace prend corps, enserre peu à peu la paroi dans la nuit, je suis ici vivante
dans ce pays de roches et d’étoiles, contre la montagne indifférente,
je ferme les yeux, je ne dors pas, je ne dors pas.

Et sous mes os silencieux, au profond de mes viscères, naissent des voix chuintantes et grises,
celles des hommes avant moi, venus un jour sur cette terre lacérée.
Me voici assaillie de souvenirs que je n’ai pas vécus, mêlés à ceux des mains de ma mère.
Ils rôdent, ils m’étranglent. Nées du premier âge de la terre, les voix
reviennent de chaque gouffre, dès que la nuit se cristallise autour du monde, de partout oui,
tournoient dans ce noir calcifié, mugissent et feulent et se coulent dans la ténèbre.

En haut la cohue splendide des étoiles ; je suis mêlée
au monde, dans un inextricable
amas de chair, de lumière et de glace, et sinon ça

le vide.
Sinon ça, le silence tellement fixe et vaste
qu’on l’entend à des lieues dans mes côtes. Le silence posé sur la terre
comme un métal. Même le vent terrible, fracassé de paroi en paroi : avatar du silence.
Sinon ça le noir crevassé, la pierre qui m’engloutit, là, tout autour de moi qu’elle est. La solitude dans ce creux où je fais halte, suspendue, la solitude des morts. C’est mon effacement, et c’est ma seule certitude : je vis, rougeoyante.

Je me lèverai demain
au premier soleil, peuplée de litanies violentes.
Je redescendrai avant le sommet.
Je ne suis pas faible.
Je ne suis habitée ni par l’achèvement, ni par la victoire, ni par les empires. D’autres viennent ici pour conquérir le vide, pour aller jusqu’à ce qu’il n’y ait plus où aller, pour aller jusqu’à la fin de la terre. Mais moi, si près du ciel, je suis venue chercher une nouvelle nuit où me fondre : une nuit où le jour est déjà la nuit, une nuit qui ne grouille pas, une nuit sans insectes, sans pourriture, une nuit jamais paisible déchirée par le vent et par les spectres, une nuit dure, oui.

Je la nomme en mes boyaux.

La nuit crisse sous la glace, et la glace si brillante et bleue contient déjà en elle-même la nuit.

C’est la montagne que je veux

dormir contre son flanc infécond, la laisser me vomir, hurler autour de moi. Longer la crête, dessous, me faire abrupte et invisible. Et tenir, et regimber, et me lover, ne jamais fuir,
absorbée par la montagne et par mes propres membres et par les voix des dieux
et par mon propre cœur.
Je suis masse énorme de chair ; je suis infime et translucide ; je suis nerfs cerveau mains tendons tout ça entassé comprimé en une pelote de peau juste ça, je ne parle pas — mais toujours là quelque part perdue dans les mugissements. Est-ce toujours
mon langage ? Est-ce toujours ma trace ?

Elle n’attaque pas, la montagne. C’est moi qui ai choisi de m’offrir à son âpreté, à son vertige, à sa lumière douloureuse, à l’assourdissement de sa multitude. C’est moi qui viens là m’abriter et mourir et vivre en moi-même. À elle je ne me mesure pas. Je ne veux pas être un aigle : je veux être un homme là seulement bien vivante, seule chaleur au bout du compte. Ici mon corps n’existe que par sa vie en-dedans, palpiter lentement contre la mort.

Au fond de moi mouvantes, les lueurs —

Ô dieux de ma chair,

spectres de mon crâne,
silence

silence de mes os

je veux les mains de l’amant

Quand on est une femme, il suffit de peu pour être exilée du désir pour les autres femmes — le désir actif, masculin, jeté comme un filet ou une ancre —, c’est-à-dire même si on sait qu’on l’a en soi, ce désir, même si on caresse une femme la nuit, même si on sait que des centaines d’autres femmes caressent et prennent et veulent d’autres femmes, on sait que socialement il appartient aux hommes encore, on sait que le vrai regard reconnu comme désirant appartient à celui-qui-pénètre, tu vois ? Parce que les femmes n’attendent pas le tien, ne veulent pas du tien, parce que ce sont les hommes qui bandent, fantasment, prennent, et peuvent formuler ce désir, et peuvent, leur adolescence durant, le former, le connaître, l’exprimer, le vivre sans avoir peur. Quand on est une femme il suffit de peu pour être exilée du geste créateur, il suffit de peu pour être exilée du sang, du mouvement qui plonge et fouille et découvre. Il suffit de peu pour être exilée de soi. Parfois j’en veux mourir. Parfois cette nuit-là de moi-même est trop profonde. Parfois être une femme me recrache trop loin de moi-même. La seule solution pour en sortir est de n’être plus une femme.

 

 

longue aux cheveux noirs, dormante dans mes bras la tourbe et le bras de mer
noyée noyée fugitive je te saisis je te mords tu deviens
mer montante de douleur et d’extase
longue sylphide aux yeux peuplés de métaux tremblants
je ne veux pas te faire peur
je veux ton ivresse — tu tressailles
tu inondes mes mains de tes cheveux
oh cérémonies
oh rites des arbres gelés, leurs racines plongées jusqu’aux Enfers jusqu’aux langages premiers
jusqu’aux palpitations des morts
je veux seulement entrer moi aussi
des ongles je creuse jusqu’au bout de ton souffle
ne chercher la douceur que dans tes écorchures tes yeux tes écarts — je ne veux pas être aimée
je veux t’aimer cinq fois
cinq fois cette nuit
pour enfouir en toi mes crevailles, les chardons de mon ancien sommeil
je veux te couronner de fatigue
je veux te gorger jusqu’aux dents de perles
je demande tes cuisses et ta bouche
vois comme en moi le sang coule vulgaire et noble et solennel
je veux répandre sur tes seins mon ombre grande
et ma douceur de marbre et ma sueur et mon parfum d’humus
je veux être étrangère
je veux t’aimer cinq fois cette nuit comme un homme qui ne fait que passer,
sûr de la trace qu’il laisse dans la terre
je veux n’être jamais endormie
je veux les glyphes de ta peau
je veux ne pas être reconnue
à tes yeux je ne m’ancrerai pas : je veux seulement les sentir rôder
faire tout le tour de ma poitrine
je serai partie à l’aube
mais dans le temps qui nous reste, ô mon caprice
je veux ouvrir en toi des rues larges, des voûtes bâties de forêts
recueillir en mes griffes le parler secret de tes seins
ne chercher la douceur que dans les failles que j’arbore
et dans celles que j’ouvre à ton flanc
— va plus loin en moi, errante fracassée
fille de la mer et de l’herbe, fille proférante de chants obscurs
confie-moi tes douleurs
jusqu’à ce que ma voix, et mes mains, et mes nerfs
deviennent des sources
les sources d’un torrent surpris en pleine naissance
eau miroitante victorieuse — vois comme en toi je me fraye

enfin
enfin je suis maîtresse de mon désir,
enfin je suis REINE DE MON ERRANCE

je veux ouvrir et crever les choses
ouvrir et posséder
prendre contre ma peau rassurante les femmes qui se dressent nues
vouées aux marécages de la nuit
je ne veux d’autre pardon que le mien
je veux ne plus circonscrire
je veux trancher enfouir au bord du chaos quelque chose de ma folie
je hurle en moi-même très loin
un monde brillant d’empreintes de semences infertiles
je hurle en moi-même très loin

tu crois que la nuit t’appartient. Tu crois que la solitude est tienne, que tu sais t’y abreuver, jamais dormante ; tu crois connaître son bouillonnement (lent et froid), ses spectres sales et rampants, minables, amicaux, qui rendent délicieuse cette paralysie de cloître. Ton cœur, c’est certain, n’admettra pas d’autre venin que celui de ces méduses-là, muettes, moirées, grouillantes. Il n’y a pas d’au-delà.
Tu ne vois pas le marbre dont tu es faite
ainsi qu’une tombe, tu crois que tu sais
tressaillir.
Tu crois que le silence est ta demeure, jusqu’à l’aube même — car tu les habites, ces moments de lumière étrange
où le monde vagit, se décompose dans sa propre naissance, tandis que l’air blême et léger comme un feuillage se cristallise autour de tes mains et de ton sommeil… tu les habites, jusqu’à l’extrême lisière
jusqu’à l’heure d’entrer, s’ensabler dans le jour pisseux des vivants, jour couleur de viande
et de musées et de rires et de meurtres. Tu hais cette heure de l’inconscience — obligatoire, aimée, supérieure. L’heure de sourire et de parler. Pleine d’insectes. Tu glisses et deviens toi-même un spectre, sale et rampant, minable, amical, et tu vis ainsi échappée toujours. Dehors on te tuera, c’est vrai, et toi tu crois que tu ne veux pas mourir.
Tu crois que ta solitude est un réseau en toi de profondes racines. Et qu’elle est ta frontière, et que là est la paix. Pourtant tu as faim.

été

ma bouche est baignée du sucre d’une nectarine jaune
marée de soleil et de dissonances
la ville a déjà déployé ses végétations mornes, sa poussière. Tremblante de colère tue au fond,
je mange et savoure et m’approche des mouches
je suis un lieu cathédral où se nouent toutes les
avidités / envies de destruction /
je ne m’écroule plus, j’écoute seulement dans le goût collant de l’été
des êtres que je ne vois pas, entièrement dénoués de cheveux de sueur
chanter l’effacement, les coups, la torpeur ;
je respire pour la première fois ;
cette peau c’est bien la mienne, plantée de clous et de bêtes mortes !
je veux frapper frapper frapper
pour dégager ailleurs cent lambeaux de silence
voici ma nudité nouvelle
— elle sa gorge me crie : il faut distordre
mes mains ne s’accommodent pas de mes poèmes
je les lave coulantes de lumière et de jus doré

Saint-Amant/Philips/Purcell – O Solitude, my sweetest choice

O Solitude
O Solitude, my sweetest choice!
Places devoted to the night,
Remote from tumult and from noise,
How ye my restless thoughts delight!
O solitude, my sweetest choice!

O heav’ns! what content is mine
To see these trees, which have appear’d
From the nativity of time,
And which all ages have rever’d,
To look today as fresh and green
As when their beauties first were seen.

O, how agreeable a sight
These hanging mountains do appear,
Which th’ unhappy would invite
To finish all their sorrows here,
When their hard fate makes them endure
Such woes as only death can cure.

O, how I solitude adore!
That element of noblest wit,
Where I have learnt Apollo’s lore,
Without the pains to study it.

For thy sake I in love am grown
With what thy fancy does pursue;
But when I think upon my own,
I hate it for that reason too,
Because it needs must hinder me
From seeing and from serving thee.

O solitude, O how I solitude adore!


Version abrégée d’un poème de Saint-Amant (1617) traduit par la poétesse anglaise Katherine Philips (1684/85). Le texte original est aussi poussif que n’importe quel poème du XVIIe siècle ; sa version allégée, magnifiquement mise en musique par Purcell, est un bijou qui pour plusieurs raisons résonne en moi aigu et fébrile. Voilà ma version préférée, celle de Rosemary Stanley.

Ceux qui furent pour eux seuls – Dante

Et ayant posé sa main sur la mienne, d’un visage serein qui me ranima, il m’introduisit au dedans des choses secrètes. Là, dans l’air sans astres, bruissaient des soupirs, des plaintes, de profonds gémissements, tels qu’au commencement j’en pleurai. Des cris divers, d’horribles langages, des paroles de douleur, des accents de colère, des voix hautes et rauques, et avec elles un bruit de mains, faisaient un fracas qui sans cesse tournoie dans cet air à jamais ténébreux, comme le sable roulé par un tourbillon. Et moi, dont la tête était ceinte d’erreur, je dis :
— Maître, qu’entends-je ? et quels sont ceux-là qui paraissent plongés si avant dans le deuil ?
Et lui à moi : « Cet état misérable est celui des tristes âmes qui vécurent sans infamie ni louange. Elles sont mêlées à la troupe abjecte de ces anges qui ne furent ni rebelles, ni fidèles à Dieu, mais furent pour eux seuls. »


Dante, La Divine Comédie, « L’Enfer », chant III, traduction de H.-F. R. de Lamennais, 1863. C’est moi qui souligne.

foudre indolente

je m’éveille dans un fouillis d’arbres pâles et de béton
dans une permanente lumière d’aube
un halo nu et déserté, à la hauteur de ma fatigue

dans la ville hallucinée les femmes dorment
remuent lentes comme des vagues
et moi je mange caillots de ténèbre
j’avale le chemin ma carapace crissant silex
je voudrais me recroqueviller, noire nocturne farouche meurtrie
invisible
pleine de blés pourris et de plantes trop jeunes
mais mes pattes grosses griffues sont faites pour les gouffres
ma tête fouaille la cendre et la poix
dans une étouffante absence d’orages
je ne suis pas là où est mon corps
je déplie mes ailes
oh étoile multiple, liqueur de feu
c’est notre nuit, et j’ai peur

au firmament s’étiolent de très longs fils sanglants
voilure diaphane du silence
les femmes dorment, flèches de foudre indolente
je viens avec mes mâchoires mes couteaux mes yeux brûlés
mes seins grevés de cris rauques
dans l’eau profonde se perd le bruit des néons :
on le confond avec
les méduses