Dans la mer

elle nage seule
une femme dans la mer, la nuit
l’eau noire déshabille ses épaules — larges, brutes, voulues

muscles révélés tels une parole

l’horizon persiste, l’eau
s’allume

Grand’voiles

J’ai froid mon amour j’ai si froid on est
en septembre
et on se caille les mains gelées dans les poches à la lisière de la ville
ma nuque est une longue
gerçure
toutes mes angoisses sont édentées à force d’être là, je parcours avec toi la répétition des rues fatiguées
réverbères impartiaux dispersés en lueurs glaciales ou attentives
dans
mes mains
ma poitrine

je cherche un pays à quelques heures d’ici par la mer
où nous pourrions reprendre le soleil
et l’amarrer à nos cris
pour atteindre le phare il faut marcher longtemps dans le cimetière
des baleines
long château de carcasses
dans cette quiétude algueuse elles font bruisser le désert de leurs os
il y a au-dessus de leurs masses tranquilles des
grand’ voiles emmêlées

et
leurs
claquements définitifs
nous poursuivent

nous marchons sans jamais atteindre le port