La dernière étreinte entre l’orme et le miel s’est produite il y a de cela des années
dans l’ombre de l’usine
dans la ville criblée de fer— craquement céleste des violons,
accordéon gras et tranquille,
cymbalum, terre collante, chevaux.
L’orme s’est embrasé, l’arbre haut et clair. Dans la neige après le départ
il n’est plus resté que les ombres, les traces des arbres morts
leurs squelettes noirs, fantômes de la foudre
éternels fugitifs. Comment dire l’intime, dans le silence de l’exil ?
Ils sont nombreux ici-bas à boire le crépuscule
en cercle, tenus par le deuil et la douceur
lorsque luisent au dernier soleil
les vitres sales de la maison
Leurs voix rauques
libres disjointes
s’élèvent en une charpente d’étoiles secrètes
Prends ton violon, mon frère,
et joue-nous une chanson où renaît la limpidité
de chaque présence
où vivent les mains qui gardent de l’oubli
joue-nous ta chanson la plus tendre, mon frère
la chanson de l’ombre creuset de la lumière
la chanson du miel et du grand arbre
la chanson de la brisure, la chanson de l’étreinte
car il nous faudra maintenant du courage — il nous faudra
bâtir de nouvelles villes.
Joue cette danse hésitante, joue la chanson
dont sont cousus nos manteaux
et nos chagrins
joue-nous ta petite chanson de mystère et de larmes.
Chante-nous cette vieille mélodie
qui me serre le cœur et me donne envie de vivre.