Écritures de concert. 
Les Contes de ma mère l’Oye — M. Ravel.
Shéhérazade — N. Rimsky-Korsakov
 

 

he walked so many roads

des papillons morts
sous les pierres ou
derrière les vérandas
au soleil

now he dreams of spiders
il rêve de la musique sous les mers et ailleurs
la musique d’algues et la musique de dimanches
il a salué toutes les reines des œillets les impératrices de l’heure rouge

dans son jardin
au matin sous la pluie après la rosée

graines et perles
cailloux et fruits
a sweet and thin
bitterness

donnez des tournesols aux enfants et des armes aux oiseaux du jardin
au matin sous la pluie
après la rosée
et des forêts bleues et âcres
des pins abandonnés des ombres
des herbes dans les marges les friches et les fossés
he walked so many roads and now he wears those bloodstains
without any kind of
                          pride
il a suffi d’un seul de nos cauchemars
une mer grise à l’aube
la tristesse résignée qui se lève la grande tristesse
des bateaux

l’angoisse de la solitude et de l’effacement

au-dessus des tombes les saules veillent
soleil muet

lancinant

 

29. 04. 13

dans le sable et le brouillard
les morts sont silencieuses
couvertes par la distance
au fond des ruelles le sang des enfants
se mêle
au parfum des oranges

du seigle dans les mains
des armes dans la boue

la grange
on y entreposera les iris
à côté des fusils

aride

tout proche où le sable se lève
là bas dans les ruines et les dents de notre grande sécheresse
nous sommes partis construire
les étangs soudains
les déserts de glace et les ciels de verre
nous guident le feu du châtaignier

et
superbes évadés
agrandis de couleurs et de blessures
courant dans les entailles hurlant les brèches
nous avons salué la stupeur du vent d’ouest
à la frontière de l’autre pays

le temps d’un feu

l’étrangère est restée chez nous le temps d’un feu
ses paupières baissées vers l’âtre
là où se levait le vent

sur ses mains brunes l’odeur âcre des friches
langues de la douleur et des serpents
et son regard grand fouillis de racines et d’étoiles
et sa bouche de cèdre et de violence

coquillages  sous les villes et cheveux de foudre
       dedans les loups les visages
l’odeur de seigle et l’oubli des roses
l’histoire longue des exils

à la frontière de nos yeux
elle racontait la mer avec sa voix de givre et d’aurore
sans lever le regard, sans voir nos larmes, sans buter sur les mots
parfois s’écorchant simplement le doigt sur un paysage

à la nuit tombée elle remercia les oiseaux
secoua ses colères déplia son ombre
nous laissa en cadeau pain et sel

poursuivit sa course
géante et délabrée

Saisir

et nos mains transies dans la terre envahie de rumeurs
des femmes là-bas
qui évaluent la distance entre leur ombre et leurs rêves

assise j’ai compté les insectes
sur mes yeux
fantômes
les précipices devant moi étaient nés avec les chardons

brouillards arides
la distance jusqu’au fleuve est celle du silence
terres arables
parfums âcres
usines glacées

la nuit
taillée
brûlante

tout autour

il faut que tu sois seul pour m’entendre
la ville ne laisse paraître ni colère ni chagrin

chantiers en rouille
tranchant des bruits
la ville inexorable
et dans ta tête les
carcasses
ogres
lucioles
stigmates laissées par les nuits en signe de bienvenue

rappelle-toi la nuit où nous avons rendu son odeur au torrent
rappelle-toi la raison qui nous pousse à fuir

désirs et murmures
le ciel noirci par les cris des insectes
leurs corps s’éteignent
vient le soir

Les tours

J’ai présenté ce poème au concours Poésie en liberté.

quand tu marches dans la ville
les immeubles s’étirent avec ton ombre
au fur et à mesure

tu te souviens alors
que le soleil d’hiver est le soleil froid
celui que tu n’as pas vu venir

il taillade consciencieusement les visages

sous chaque aurore depuis septembre
sont déployées des ramilles multiples frissonnantes
elles sont ouvertes
au givre et à l’absence
ce sont ces grandes et folles racines qui déterminent
l’hiver

et le crépuscule le crépuscule qui s’effondre sous les étoiles
lui aussi est un crépuscule variable
car l’hiver fige la poussière
tu ôtes une à une
les griffes des vestiges au hasard du béton

seules des pierres pour marquer le passage
à ceci près qu’elles sont instables

L’orage n’est plus très loin

la nuit quelques crapauds au bord des mares
l’orage n’est plus très loin
la foudre dans leur bouche
et leurs yeux de vacarme

huit heures
et le pain n’a pas levé
elle est agenouillée
avec un peu de farine dans ses cheveux et dans ses larmes

elle n’est pas apaisée
par la chanson amère des serpents
elle ne crie pas lorsqu’ils brisent son collier de leur morsure
elle regarde sans rien dire les perles bleues répandues

du sang sur sa robe et ses mains
dans ses poches les débris de son miroir

les crapauds se sont tus
livrant à la nuit l’élégance du ruisseau
impossible de se rendormir avant l’horizon

les libellules meurent en silence

 

26. 05. 2012.

Jour des crânes

Nous marchons à grands pas avec les morts
nous marchons avec les gazelles
nous marchons avec les cigognes
nous marchons à grand coups de graines et de ramilles

si les arbres nous tournent le dos c’est par pudeur
pour ne pas voir les araignées éclore

nous marchons avec les morts et nous avons gardé les restes dans notre poche
mêlés aux cailloux
aux odeurs de doute

nous marchons avec les morts
encore tant d’ombres à écrire
le vent ce soir, et cette écume

solitaire cette nuit le grand loup
arpente l’horizon sèche
salue la forêt hasardeuse

la fuite est proche

sentier dents luisantes
les falaises se lancent à la poursuite des fleuves
voici le rocher voici le seigle
voici la grive couverte de sang
et voici la petite fille qui s’étonne

ces temps-ci hommes et sagaies se confondent
ils enterrent leurs proies en secret
jours de griffes et d’orage

tremblent les érables
(rumeurs outre) jours de déserts

les villes ne sont plus faites pour accueillir les éclairs
les villes sont secouées de petites bêtes amères
les villes sont tendues de cordes raides
nous n’aurons pas de remords pour le temps qui vient

et la forêt brûle
la fuite aveugle

solitaire le loup cette nuit
plus loin le sang
et la route