je voue mon corps au long cette angoisse
aux arbres frissonnants
ceux qui élèvent en hiver leurs bras roides de vieux crucifiés
craquelés de givre au milieu de champs vides
je me tiens près d’eux toujours
rongée par le même lichen, habitée des mêmes corbeaux
de la même grande lumière étonnée
au long de cette angoisse je voue mes pas
aux marins perdus en mer
dans l’océan gris sous les cieux gris, dans son remous de perles et de noyés
je dérive moi aussi selon la houle, près des abysses et des étoiles
près des roches brûlées
en essayant d’y trouver prise pour revenir à la terre
revenir à celui qui se souvient de moi
au long de cette angoisse je voue mes mains
aux araignées bleues sur le chemin des morts
je suis, je le sais, tisserande
de mes propres chagrins
mais je te le promets, amant
toutes les nuits désormais
doigts vifs ou doigts gourds
j’invoquerai la rosée et déferai la toile
pour que tu puisses
au fond de mes bras et de mon âme
te blottir, et que nous puissions encore grandir l’un en l’autre
deux vastes orangers au début du monde