orgue de barbarie

A écouter : Aatini Ennay par Hosam Hayek


elle nous quitta poliment
elle porte une chemise rouge et un parfum entêtant
elle est maigre et brutale
elle est venue pour l’enterrement
ils ne l’ont pas saluée

conduis-moi à travers le jardin que tu bêches, que tu plantes de cèdres d’hyperboles de romarin de scolopendres, conduis moi dans le tumulte de tes voies ferrées

l’abricot se cueille comme se prend un château assiégé, tu me l’as enseigné un jour que tu revenais de la rivière
tu étais allée chercher des cailloux, les plus jolis cailloux moirés
et tu voulais me faire rire

c’est toujours aux poètes qui n’ont rien à dire que l’on confie les oraisons funèbres
nous jouons de la musique savante
que les universitaires apprécient et applaudissent
Satan se promène parmi le marbre et l’ombre des cèdres, il est très beau tel un polygone
j’aime une femme-oiseau et Satan me salue bien bas

assise sur la tombe je grignote le fruit maigre et accueillant de l’olivier
les patrons les ministres ont le regard mondain d’une goule acoustique
dans l’étau de leurs propres pensées pourrissantes
quel pays formidable

une fois la prison détruite nous voilà
sous l’oliveraie la mer se relève comme une clavicule maladroite
c’est un enchantement ô ma mère
rien n’est encore dévoré de soleil
il n’y a que le bruissement des fourmis patientes

je suis allée chez la fleuriste ce matin chercher des chrysanthèmes
elle vous salue
mais vous monsieur ne l’avez pas saluée
elle était venue pour l’enterrement
d’un universitaire respecté
le facteur est d’un beau vert azur, lui qui a perdu
sa casquette, tombée dans les blés mûrs un jour de grève