j’abandonne ce repos trop fort
et je cours haletant vers le bourdonnement des mouches
La prophétie des mauvais jours et des soirs maigres
aboutit toujours à ce grand carrefour
celle des secondes prolongées
bondé de nuages ou de cris
On joue de grands airs
et c’est la nuit qui s’approche
avec ses faux bijoux d’étoiles
Est-ce le moment de fermer les yeux
C’est l’heure des sonneries
le grand va-et-vient des visages
et des ampoules électriques
je n’ai pas besoin d’être seul
pour croire à la volonté à la franchise au courage
Il suffit d’un parfum couleur de tabac
ou d’un geste lourd comme une grappe
L’odeur des assassinats rôde nécessairement
Mais il y a le soir qui attend bleu comme un oiseau
Mais il y a la nuit qui est à la portée de mes mains
Mais il y a une fenêtre qui s’éclaire d’un seul coup
il y a un cri
un regard qu’on devine
un regard qui est chaud comme un animal
et ces longs appels des arbres immobiles
tout ce qui s’endort pour l’immobilité
dans la concession perpétuelle du vrai silence
et ce silence plus sincère encore d’un sommet d’ombre
que les nuages baisent d’un seul coup
Une minute de silence – Philippe Soupault
in Georgia, Epitaphes, Chansons (éd. Gallimard)