l’ouverte

la nuit elle s’éveille seule
la nuit le soleil est blanc
gisent des écorces acides dans les draps dans la chambre
les écorces jaunes blafardes d’un citron de peinture flamande
une douleur simple et chuintante la prend quelque part
sous la peau

aube
elle découpe les fruits
en quartiers
soignés

            épine

cela se passe la nuit dans la nuit très éclatante la nuit blanche
ses mains sont une plainte aux dieux
et jusqu’au bout je bois
son regard d’ogive brisée qui m’accompagne

 

(16. 12. 2016/24. 01. 2017)

accueil et surveillance

Tôt le matin on vient en grand silence
admirer des objets morts et dorés
et ce musée d’histoires anecdotiques est comme un hôpital
avec une odeur vieille de poussière et de bois
une vieille France rachitique entre y admirer des portraits de Louis XVI
tous quasi identiques
et des tableaux de batailles rangées des uniformes napoléoniens un berceau impérial des médailles de guerre la chaussette de Voltaire le pot de chambre de Proust des dés à coudre
horloges éreintées au son famélique et cassant
des automates du dix-septième
très entretenus
soigneusement abandonnés au soleil sale de novembre
nous silhouettes noires veillons sur ces cadavres
attentives à chaque craquement, chaque fantôme
gardiennes inregardées
précaires depuis peu ou
tranquillement rendues folles par des
années à répéter cet ennui

personne ne dort plus jamais

le soir vient doucement
je travaille à la lampe
pièce froide et déchirures

autour de moi vit une foule
des amas d’étoiles et d’inconnus
j’ai dressé des remparts que je ne sais plus comment ni quand franchir.

mes yeux se ferment mais il faut travailler

gestes automatiques et pensées de hasard
ma tête me fait mal
ces temps-ci je vis aux crochets de mes rêves
mes mains tremblent
je ne sais plus comment apaiser ma faim

L’orage n’est plus très loin

la nuit quelques crapauds au bord des mares
l’orage n’est plus très loin
la foudre dans leur bouche
et leurs yeux de vacarme

huit heures
et le pain n’a pas levé
elle est agenouillée
avec un peu de farine dans ses cheveux et dans ses larmes

elle n’est pas apaisée
par la chanson amère des serpents
elle ne crie pas lorsqu’ils brisent son collier de leur morsure
elle regarde sans rien dire les perles bleues répandues

du sang sur sa robe et ses mains
dans ses poches les débris de son miroir

les crapauds se sont tus
livrant à la nuit l’élégance du ruisseau
impossible de se rendormir avant l’horizon

les libellules meurent en silence

 

26. 05. 2012.