A l’heure du poulpe

Crasseuse forêt, voluptueux décombres : sous le regard du poulpe, les étoiles mugissent et les fourmis se précipitent en foule envahissent la prison

crasseuse forêt, voluptueux
décombres,
ils n’en
finissent
pas,
ILS N’EN FINISSENT PAS ils sont gris comme une carrière ambitieuse, ils ne sont jamais obliques, et gris et infinis comme une sous-préfecture, et là s’en vont les fourmis. Ma douleur est la tienne, et je te veux, je te veux, je te veux. Mon ventre cherche la musique de l’incertitude, mais mon cœur ne veut que toi. La mer s’est changée en vin, elle recrache mille tentacules, elle n’en finit pas de crever, et l’horizon coule à cheval sur le corps nu de ma maison, qui, orageuse, se mutile d’escalators et de dentelles. Un hall de gare, l’existence morne des travailleurs. Quelque chose m’échappe de cette toile de fer lointaine, courageuse et vorace, à la limite de l’ouverture et de la nudité. A part ça, tout est normal. Je hurle et je veux sortir. Le monde est clos. Depuis cinq mois mon visage n’a pas connu le vent.

Écriture automatique – III

Si tu me comprenais, tu n’aurais pas vécu ces bouches et ces sursauts. Avant. Longtemps avant nous. Tu ne te serais pas réveillé dans la pénombre de ces corps. Ils seraient restés muets pour tes mains, sans fouaillement d’aube. Tu verrais cette déchirure et cette beauté miraculeuse, et tu me prendrais dans tes bras en me disant : ça n’existe plus. Tu ne m’aurais rien arraché. Dis-le.

Vivre, contre mes vieux zéphyrs, une vie de profonds fragments. Retrouver le toucher et la transparence, comme le grain sanglant de grenade entre les seins de celle que j’ai aimée. Bribes d’une force inconnue, elles ondoient dans mes mains. Les chauve-souris remontent du centre de la terre et envahissent les montagnes, la forêt s’effondre, articulation infinie de questions infinies. Dents grinçantes le long du précipice, aubépine luminescente, la fille croule, hurle dans la nuit près de la cathédrale qui a des airs de steppe, le cœur étouffé par les marées, sa foi recluse est avalée par l’entièreté du suicide. Les anges organisent une collecte grandiose d’insectes et de ruines, et je vois bien l’horreur de ce qui avance, l’horreur de ce qui décroît, l’horreur de ce qui féconde et de ce qui s’empare, l’horreur de l’espérance et des glaives. Les âmes bougent, se meuvent infiniment, sans attester de brisure, sans divination, sans connaître de trêve, sans chaleur aucune, comme un seul automate de latex, et les oiseaux du nord cherchent des coquillages ici-bas, au milieu des grincements et de l’alcool. Je ne parle plus qu’à moi-même. Tourterelles, vous passez en moi. Le soleil se couche, répandu comme des boyaux sur la pierre des dieux.

Écriture automatique – II

I.

quelque chose se joue dans le bond des gazelles — est-ce une liqueur ou un jasmin frémissant ? Je cherche l’ivresse. Je cherche l’ivresse et les insectes me broient sous leurs petites dents bleues éparpillées par le sang et le soleil. Un fleuve d’organes et de loups blessés m’habite et me transforme ; sous la douleur je ne sais plus ce que signifie l’amour, je pense à ramper comme un serpent bleu dans l’oubli des overdoses, rien n’est mystère, tout est mystère, tout fuit à la manière des lilas. Torréfaction des volontés, astres crevés sous les pneus crevés des chars d’assaut, l’histoire ne se répète pas. Évadez-vous avec les épinettes. N’obéissez pas aux flics, ni aux scaphandres, ni aux supermarchés, ni aux oreilles : jamais ils ne répareront vos désirs. La liberté n’est pas à la mode et nos poings levés s’épuisent comme des chevaux brûlés. Les ogres traversent des cités de lait et de miroirs ; leur ombre joue à la marelle au couteau aux coquillages et tout se détruit dans un fracas de bouches, d’étoiles, d’immondices, de séparations et de calames. L’invisible éclatera grand tonnerre lorsque les enfants mangeront du seigle et des orchidées. Tout est à la lisière du hasard, le nom du monde est une forêt. Je jette des clous pour réparer les ressemblances.

 

II.

J’occulte d’un drap terrible l’horizon des clématites. Le jardin me regarde et se désassemble ; l’attentat à la pudeur prend la forme de mille oranges sanguines évadées dévorées par les aigles. Ai-je assez foi en la nuit ? Elle est contre mes yeux un rempart scintillant une montagne effrayante, un ossement formulé par le corindon la menthe et quelques autres iguanes féroces. Je la laisse pourtant m’envahir, telle un vin noir et réconfortant, un coquillage splendide, nuit cristalline au grand son d’orgue et d’agave et d’artillerie. Au sortir de la première route vers le sud, tu verras un mur parcouru de fourmis élégantes et de faillites ; tourne à gauche alors, et viens-t’en voir le diable, celui qu’on nomme Algue ou bien Écorchure et dont le sexe a le goût de l’affrontement.

 

III.

Ton corps me manque comme la saveur fulgurante des figues manque en pleine mer. Pour quelques secondes de tes mains, de tes doigts qui amendent obscurément l’aurore, de ta bouche d’oiseleur qui feint l’égarement lorsque tu me mords, quelques secondes de tout ton corps voué aux fleuves aux vérités parcourues à la destruction des clones à l’avènement de la pluie, j’offrirais aux noyés ma certitude. Ton nom d’osmose qui me sidère et m’étreint, je veux m’y plonger comme dans un étang de sang et de paroles. La brisure fondamentale et vivante de ta voix, je veux la sentir s’ouvrir dans mon cou et dans l’écheveau de ma tête.

Ô soliloque des cadavres, ô rachis aigre du souvenir, je vous conjure à présent ; allez, et laissez régner en ma poitrine le merveilleux et violent millénaire de l’amour.

Essais d’écriture automatique

Les cours de maths sont propices à des exercices d’écriture automatique. En général, l’association des vingt premiers mots est tirée par les cheveux, lourde et surfaite. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’on arrive à écrire de la matière poétique, même si elle reste brute, pas soignée.

Quelques restitutions de cours sur les fonctions homographiques, puis sur les probabilités. 

I.

1ère version, avec simplement les débuts et fins de phrase.
L’oiseau est à venir elle garde beaucoup de saumon et de cheveux dans ses pâturages l’écoute est solide et grandie de vagues effrois. Solitaire le loup, solitaire l’orage et foudroyante l’aubépine lacérée, substantielle la flamme qui mord en secret. Et soudain le chemin se sépare, chœurs d’anges qui trépignent et murmurent. De grandes avancées de cheval des rumeurs des javelots, crachats foules en sang et guenilles elles portent leur étoile comme une hache voilà l’été et son lot de fourmis, de courages et d’ailes capturées. Grandes bougies au centre des tables des harpons des iris et paupières des morceaux des pièces détachées de la quincaillerie ce sont les restes du crépuscule nos chants finissent de faire brûler les sentiers peu à peu au même rythme désabusé et fulgurant que les enfants terribles. Nous nous souvenons de grands banquets et festins jamais sages enivrés débordants camouflés coupables fantasques mêlés de sirènes et de rosiers grimpants, de bière jusqu’à l’aube.
2nde version, mise en page ultérieurement, avec la ponctuation.
L’oiseau est à venir 
elle garde beaucoup de saumon et de cheveux dans ses pâturages 
l’écoute est solide et grandie de vagues effrois. 
Solitaire le loup, solitaire l’orage et foudroyante l’aubépine lacérée, substantielle la flamme qui mord en secret. Et soudain le chemin se sépare, 
chœurs d’anges anciens qui trépignent et murmurent. De grandes avancées de cheval des rumeurs des javelots, crachats foules en sang et guenilles, 
elles portent leur étoile comme une hache — voilà l’été et son lot de fourmis, de courages et d’ailes capturées. 
Grandes bougies au centre des tables, des harpons, des iris et paupières 
des morceaux des pièces détachées de la quincaillerie ce sont les restes du crépuscule ;
nos chants finissent de faire brûler les sentiers 
peu à peu 
au même rythme désabusé et fulgurant que les enfants terribles 
Nous nous souvenons de grands banquets et festins jamais sages, enivrés débordants camouflés coupables fantasques, mêlés de sirènes et de rosiers grimpants, de bière jusqu’à l’aube.

II.

place rouge et blanche à la toute fin de la route, brasier du long voyage, grands arbres sauvages pour crever nos visages ; pour ta culture générale, voici les lions et les orgues et les phasmes jaunissants. Les feuilles de l’aulne sont devenues noires noires noires noir charbon misère. Sédiments de fuites et de roulements le long des routes de campagne, les villages accueillent sans sourciller des hurlements de figuiers.

Grands chemins ruminant leurs rancunes brunes et peu loquaces. Quelques lumières blafardes s’explorent puis mutent en hauts lampions rageurs, détails toujours estampillés de rouge.
III.
crier et réaliser l’ouverture le gouffre le chaos et de grandes marées venues griffer les montagnes. Ces temps-ci l’aubépine se trouve un peu partout et devient commune, notamment dans les caves, sous les roches ; et la mer parle avec des yeux de gazelle, luttant parfois avec les oiseaux.
Les falaises éclatent en sanglots lorsque plus personne ne les voit, le soleil pâlit alors, respectueux sans doute, ô palmeraies sous-marines, à perte de vue, cultures de coquillages, grands ressacs sur les fossiles et les grands cheveux des sirènes.
Les baisers se gardent précieusement dans des bocaux de verre, seuls les enfants sont capables de les vivre.
Les seins des femmes se couvrent de rosée la nuit, dans le désert, et les abeilles viennent y boire ; l’oubli est plus doux encore que le miel. L’amante est seule ce matin, l’aurore a étanché sa soif de dimensions et d’haleines, elle lave mains et pieds avec du savon au lait d’amande. Les rêves mobilisent souvent de grands frissons, mais peu s’en sont accommodés. Cela fait trop longtemps.