le ciel froid
euphorie je frappe la terre de mon bâton
joie des recoins calice d’images profondes
je ne domestique pas les bêtes lumineuses
qui parlent dans les grottes dans les égoûts derrière la nuit
je les nourris seulement car les temps sont difficiles
et elles dansent avec moi
elles dansent avec moi
elles
dansent
come on
ivre lèvre levée à l’aurore crépitante
saisie déjà du corps et de la langue à la vitesse des forêts
je refuse car j’approuve tout mouvement
j’approuve tout mouvement car je refuse
le mot ablutions résonne comme une eau vive
le monde regorge de guérisons
soleil harponné tu m’inondes inexplicable
soleil tu m’inondes tu arraches ma gorge soleil tu me fends comme un glaive d’or pur
en plein putain d’hiver
je flamboie j’effondre j’éclate
je foudroie la terre tant murée dans le gel
bouches implacables de ma lutte
au fond des clairières ensommeillées
euphorie mon euphorie roche jetée qui dit non
et éclaire par là-même le désir
aucune femme n’est une fiction
j’affirme que la mer est changeante
que quand vient la lune ma joie demeure au corps
joie industrieuse lune renversée
ma joie comme du bois vieux comme une main triste
marin rentré au port astre fourbu
la tête hantée de naufragés
ma joie lune éméchée et toujours rassasiée
alliage de cuivre et de larmes
de questions et d’écume
que tu crois pouvoir comprendre pauvrement comme un plaisir
l’heure journalière des glaciations ne peut rien contre moi
je porte ma joie comme une fourrure et mes muscles de fauve
te regardent
c’est vrai oui que nous habitons des visages
toujours sur le point de se détruire
mais pour vivre et se toucher que faire sinon affirmer
et si nous affirmons alors
que faire sinon habiter, que faire sinon prendre le geste au sérieux
observer les écarts
les recoudre de miroirs et de plumes
je veux la direction tiraillée
je veux l’inconnu et redresser toujours la barre
voilà pourquoi
dans la vibration éternelle des veines des consistances
dans le tremblement des herbes des suies
je danse en frappant le sol de mon bâton
tu n’as pas vu que d’emblée je te mordais comme un égal
tu n’as pas vu que d’emblée je convoquais le silence au milieu des feux
ni que j’ai mis des jours à te nommer
je danse et vois-tu
je n’ignore rien de la beauté du rythme
de la pudeur des marches nocturnes
de la patience ternaire du fleuve
placement exact, ni trop tôt, ni trop tard
juste mesure, battement
dans ta crainte tu montes un fabuleux commerce d’anges fusillés
et tu ignores que je tournoie
je n’ai pas peur car je parle
TOUT EST BEAU L’ANFRACTUOSITÉ LA MOISISSURE
je toupille je tangue j’emprunte je trace
au rythme de tout ce qui est éphémère
je grave dans l’argile le souffle des femmes échevelées
ces soupirs vivants personne personne ne les dira à ma place
je proclame ici
que ma joie nouvelle planète inqualifiable
scandaleuse de désir et de pillage
pleine de banquets et d’épines dispersées
ma joie est la joie renouée redécouverte dévorante
et tu es seulement comme les autres à ne pas la savoir
les bêtes dansent avec moi
loin de vos chemins sans éboulis et sans gloire
je me fous du désordre du vacarme
moi éternelle soucieuse j’estime
que les armes sont égales
que je suis pas ta mère
alors je saisis et prononce
je laisse la ville grandir en moi brûlante
et je la parle comme un palimpseste
je laisse faire le trouble des clameurs ivrognes
vase boueuse, chiendent, bolides
souche, craquement de feuilles dans le silence
oiseau mort sur la neige
eau imparfaite de mes yeux
j’avance et je me muscle vivante
voici la joie, voici la joie
voici qui nimbe toute chose
voici la joie