Un olivier

Les dieux en maraude ont aussi besoin de repos,
et à l’aube
à l’aube quand tous les yeux dans les ruines s’apprêtent à dire quelque chose
on voit repousser un olivier
qui compose une nouvelle fois
l’heure fondamentale de l’amour

la terre où l’on plonge les mains est une cendre trop lisible.
autrefois il y avait une longue plaine arable, un lieu où manger et boire

l’eau est désormais rare
et l’olivier exige une mémoire plus large que nécessaire

l’olivier guide la marée montante des larmes et des collines
tout une clameur se fond dans l’ardeur acide du souvenir
le monde entier célèbre des têtes arrachées
et les photos, partout

le jour se met à scintiller comme une tombe —
prouesse technologique.

les drones n’ont pas besoin de boire.

À l’instant où la couleur du soir est la plus dense
les routes nouvelles sont des routes cachées
les oiseaux partout s’en vont annoncer qu’un enfant
a porté dans un sac plastique les restes de son frère
et l’abîme se cabre
et la nuit sculpte son premier rêve en forme de ligament
le garçon se pare d’une tiare de rameaux neufs
un long chant s’élève de réponse en réponse
et la chair arrachée devient foudre et refus.
Dans les ombres grasses et collantes du champ accablé
un olivier croît là où nous sommes
au bord du sentier noir
qui mène vers l’autre bout de la douleur.