fendre

luit l’herbe grasse comme une morgue
les heures étirées transparentes ont l’odeur des draps humides
— tout ce soleil
tout ce soleil dénoué par la rosée
à l’orée d’un monde trop blanc

oubliant mon nom j’embarque au crépuscule
toujours à tricoter des milliers de petites craintes
oubliant mon nom

au-delà au-delà
une femme nichée dans la colline
pense : et si je me levais
et si je décousais ma tête par le milieu
pour déloger de ce crâne le caillot d’ombre qui est mon langage
ne laisser de mes prières que des oiseaux
et une certaine patience

viens ici tempête
vois mes signes
je ne suis pas loin, regarde
cette grive bleue comme le doute, je l’ai chassée pour toi
éclaire-nous
entache-nous de cendre et de rêve
que l’horizon se brouille jusqu’à disparaître
on entendrait la roche qui craquèle sous la masse des insomnies
on avalerait la peuplade des ruisseaux écroulés
viens ici tempête
que je sache si le bateau oui ou non va sombrer

 

— Et là, est-ce que c’est assez ? quand donc seras-tu rassasiée d’inquiétudes ?
pelotes de laine de langues de nerfs dans mes poches
non pas assez
pas encore

Hier encore dit-elle j’avalais tout rond des chemins
sans ôter même les plumes les dents
et leur vitesse me donnait une forme
Hier encore le monde bougeait comme une marée
Naître c’était en ce temps-là passer d’un chant à l’autre
Aujourd’hui les eaux ne se soulèvent plus jamais
Les îles restent à leur place
invertébrées sans roulis
comme des images pures et fixes sur le ciel

un chien jappe —
Que plus rien ne se reproduise à l’identique
sauf les étoiles
s’il-vous-plaît