Sur une proposition de Laura Vazquez dans ses ateliers d’écriture.
la pluie me rappelle mon squelette, la pluie appelle la mort
la pluie est un oiseau froid, un écho du sang qui se vide
la pluie abrite l’irrémédiable et totale : absence
la pluie est pâle
la pluie couvre de mépris les charniers
la pluie parle de larmes
elle ravive les couleurs des herbes
je sens le champ devenir beau et caché
dans son scintillement et sa transparence la pluie
révèle l’origine des choses, elle
montre ce qui importe, la pluie évide le monde
de ses artifices
la pluie fait grincer mes os
la pluie amène la boue, les tombeaux
la pluie amène la pourriture, les miasmes
la maladie, les vers, la pluie entame,
la pluie ronge les falaises et les gonds
la pluie noie et sépare : regarde ce chien
dépecé et si seul dans la rue
je me sens
purifiée de mon corps même,
je suis lavée de mes douleurs, de ma médiocrité
je ne suis plus qu’une forme, une chair, une apparition
je ne suis plus qu’une âme détrempée
je peux m’éloigner, me reposer de ce qui existe
je suis légère et je respire
le monde respire
mes cheveux disparaissent
mes yeux disparaissent
mon lit dérive et je me fonds dans le mutisme de ma chambre
je relâche mes doigts agrippés à mes souvenirs
la pluie s’écoule jusqu’à la mer
où tout disparaît
la pluie pousse au repli, à la demeure
seringue des heures
crinière de l’ennui
la pluie déplie à l’infini les regrets
la pluie parle de larmes, mais elle fuit les regards
elle n’affronte aucune accusation
la pluie se targue de neutralité, la pluie s’arroge un droit de déni
la pluie me heurte,
la pluie
son indifférence ancienne
donnent des coquelicots très rouges sur le ciel gris
la pluie donne des courges, du riz, des nuages
la pluie rend la terre meuble, odorante
éteint les incendies,
l’eau de la pluie allège le soir d’été
la pluie fait un bruit d’esprits qui chuchotent
porte des messages de douleur et de bonté
écoutant la pluie mon cœur s’ébruite
en une verroterie d’eaux crachantes