Où que tu ailles, le labyrinthe

j’ai pénétré clandestinement
dans l’une de ces maisons toutes identiques
une alarme a retenti, puis une autre
et une autre
une armée de voix désertiques et loyales
personne n’est venu pour éloigner la cambrioleuse
personne n’est sorti des maisons avec une batte ou un chien
j’ai fouillé toutes les chambres
fauché une ou deux chemises blanches
plusieurs femmes mortes s’occupaient de plier les napperons
la cuisine sentait l’huile chaude
j’ai fait ainsi le tour du quartier puis dormi sur un perron
cinquante-trois chemises propres sur le dos
et mon corps plein de cosses à ouvrir
et de nerfs et d’écarquillements
dont les alarmes couvraient le tintement éperdu

le crépuscule de cette ville me mord
la nuit vire à l’aigre et moi au hasard
par ici — plus loin :
à droite un chirurgien une horloge une anguille
à gauche un placenta un chêne qui tombe un merle indécis
des miroirs dispersent au vent mon visage
je disparais dans une foule de bagnoles et de crânes
qui murmurent et rugissent
ta voix est trop froide, une voix de voleuse dévoreuse amère
on sait pas ce que tu dis
on sait pas, on sait pas quoi faire des sons qui sortent de ta bouche
tu entends ? pourquoi tu ris pas ?
nul ne sait comment contrer la stridence du vide
mes dents recueillent la dernière lumière
je recule
j’hésite
je saute
vertèbres empilées pulvérisées refondues
à gauche encore c’est le fleuve et pour l’enjamber il me faudrait
quatre chevaux désespérés

il suffit d’une couverture en fibre de verre pour étouffer les feux naissants
d’un détecteur de fumée
d’un bouton de sécurité pour chaque prise électrique
quand le monde brode ses ruelles embrouillées
tu dois te plier bien dans l’ordre
dans le labyrinthe des conversations
où chaque ombre est un seuil que tu ne peux franchir