labyrinthe

j’ai pénétré sans prévenir
dans l’une de ces maisons toutes identiques
une alarme a retenti, puis une autre et puis
des alarmes innombrables
une armée de voix désertiques et loyales
personne n’est venu pour éloigner la cambrioleuse
personne n’est sorti des maisons avec une batte ou un chien
j’ai fouillé toutes les chambres
fauché une ou deux chemises blanches
plusieurs femmes mortes plumaient des oiseaux
la cuisine sentait l’huile chaude
j’ai fait ainsi le tour du quartier puis dormi sur un perron
trente-sept chemises propres sur le dos
et mon corps plein de cosses à ouvrir
et de nerfs et d’écarquilles
dont les alarmes couvraient le chuintement éperdu

le crépuscule de cette ville me mord
la nuit vire à l’aigre et moi au hasard
par ici — plus loin :
à droite un chirurgien une horloge
à gauche un placenta un chêne jeune une mue de serpent
des miroirs dispersent mon visage
il suffit d’une couverture en fibre de verre pour étouffer les feux naissants
d’un détecteur de fumée
d’un bouton de sécurité pour chaque prise électrique
quand le monde brode ses ruelles embrouillées
tu dois te plier bien dans l’ordre
dans le labyrinthe des conversations
où chaque ombre est un seuil que tu ne peux franchir
l’insouciance feinte décompose le langage
ta voix est trop froide, une voix de voleuse dévoreuse amère
on sait pas ce que tu dis
on sait pas, on sait pas quoi faire des sons qui sortent de ta bouche
tu entends ? pourquoi tu ris pas ?
nul ne sait comment contrer la stridence du vide
mes dents recueillent la dernière lumière
je recule
j’hésite et je saute
dans mes vertèbres le fleuve
pour l’enjamber il m’eût fallu
quatre chevaux désespérés