affranchi·e

avec ta bouche emplie d’abeilles
avec tes paupières criblées de clous
toi et ta terreur houleuse je te parle putain : retourne-toi, renie ta honte, PORTE TES MUSCLES À L’ENVERS

offre-toi en guise de corps
un canyon
multiplie-toi
multiplie les pierres de ta gorge
deviens tremblant-tremblante et CRACHE

tu parles aux objets
tu vis entourée d’iguanes
tu les nourris et tu les aimes
mais leur regard, leur regard blanc
leur regard blanc est insoutenable —
écoute :
bientôt tu mourras
le monde n’est pas une chambre
le monde n’est pas une coquille
le monde n’est pas un mythe d’orfèvre
le monde est une tourmente de poumons éclatants et lourds
le monde est un supplice refoulé
le monde est la langue blanche d’un cheval abattu
pour réconforter les affranchis tu dois
toi-même t’affranchir
déforme-toi
ensemence ta gorge
ensemence ton courage
abandonne tes robes sous une pierre
dépasse les images
sois ton propre fantôme, ne t’en remets pas aux langueurs, aux souvenirs
cherche les portes et tous les rêves coupants

en toi tu garderas le poids d’une église défaite, la fébrilité d’une arme égale, et dans ton dos la morsure des distances bien longuement abolies
entre nuit et jour