fleuve pourfendu

je célèbre un gros fleuve qui remue, harnaché
comme un météore
un fleuve au ventre de lumière tremblante de zone industrielle
au ventre de cathédrale de Troyes
un fleuve qui se dirige, obscène et dense,
vers l’éclatante beauté des carcasses
celles que tu vois ici suspendues dans les camions blancs, écorchées les jours de marché
longtemps les bœufs ont travaillé dans le givre et le blé
sans rien dire ils guettaient le
surgissement d’une folie véritable
leurs carcasses sont d’une beauté rouge et bleue, avec des dorures
et des coquelicots
leurs carcasses naissent de la même matrice que les algues et les anges

entrepôts disposés tels des éclairs silencieux
sages et limpides parmi les arbres noircis
ils sont mille et très solitaires
les rues basses des villages se parent de leur voile lourd et nocturne
— j’ai échoué à franchir ta bouche
les rues se blottissent contre leur unique réverbère
avec leur courage de pierraille
leur effort de laine cardée
sidérurgie très céleste
les miroirs en revanche se sont tus

cesse de mendier la douceur, toi qui me fais
l’honneur
de partager ton pain brûlant