avez-vous compté toutes les routes
de ce grand trou de misère qui est comme un pays
en avez-vous nommé les forteresses
avez-vous calculé combien d’arpents de roses couvrent son sol noir
avez-vous mesuré la hauteur des vagues à sa dernière falaise
répertorié ses vents
listé ses phares et ses cimetières
recensé ses bibliothèques
ses prisons
savez-vous quelle est la topographie de la misère
où consulter le registre des corps abattus engourdis
je ne veux pas de votre nuit crie-t-elle
ni de votre rivage ni de votre mansuétude
si je vous prend la main c’est pour la mordre et la donner aux chiens qui dorment là-bas dans cette grange
ah faiseurs de mort et comptables des vivants
dans mon ventre des entrailles remplies de griffes et de crocs
dans mon ventre une ville éclatée des morceaux de verre des diamants éparpillés
avez-vous calculé combien d’arpents de ciel les femmes parcourent chaque nuit