Écriture automatique – II

I.

quelque chose se joue dans le bond des gazelles — est-ce une liqueur ou un jasmin frémissant ? Je cherche l’ivresse. Je cherche l’ivresse et les insectes me broient sous leurs petites dents bleues éparpillées par le sang et le soleil. Un fleuve d’organes et de loups blessés m’habite et me transforme ; sous la douleur je ne sais plus ce que signifie l’amour, je pense à ramper comme un serpent bleu dans l’oubli des overdoses, rien n’est mystère, tout est mystère, tout fuit à la manière des lilas. Torréfaction des volontés, astres crevés sous les pneus crevés des chars d’assaut, l’histoire ne se répète pas. Évadez-vous avec les épinettes. N’obéissez pas aux flics, ni aux scaphandres, ni aux supermarchés, ni aux oreilles : jamais ils ne répareront vos désirs. La liberté n’est pas à la mode et nos poings levés s’épuisent comme des chevaux brûlés. Les ogres traversent des cités de lait et de miroirs ; leur ombre joue à la marelle au couteau aux coquillages et tout se détruit dans un fracas de bouches, d’étoiles, d’immondices, de séparations et de calames. L’invisible éclatera grand tonnerre lorsque les enfants mangeront du seigle et des orchidées. Tout est à la lisière du hasard, le nom du monde est une forêt. Je jette des clous pour réparer les ressemblances.

 

II.

J’occulte d’un drap terrible l’horizon des clématites. Le jardin me regarde et se désassemble ; l’attentat à la pudeur prend la forme de mille oranges sanguines évadées dévorées par les aigles. Ai-je assez foi en la nuit ? Elle est contre mes yeux un rempart scintillant une montagne effrayante, un ossement formulé par le corindon la menthe et quelques autres iguanes féroces. Je la laisse pourtant m’envahir, telle un vin noir et réconfortant, un coquillage splendide, nuit cristalline au grand son d’orgue et d’agave et d’artillerie. Au sortir de la première route vers le sud, tu verras un mur parcouru de fourmis élégantes et de faillites ; tourne à gauche alors, et viens-t’en voir le diable, celui qu’on nomme Algue ou bien Écorchure et dont le sexe a le goût de l’affrontement.

 

III.

Ton corps me manque comme la saveur fulgurante des figues manque en pleine mer. Pour quelques secondes de tes mains, de tes doigts qui amendent obscurément l’aurore, de ta bouche d’oiseleur qui feint l’égarement lorsque tu me mords, quelques secondes de tout ton corps voué aux fleuves aux vérités parcourues à la destruction des clones à l’avènement de la pluie, j’offrirais aux noyés ma certitude. Ton nom d’osmose qui me sidère et m’étreint, je veux m’y plonger comme dans un étang de sang et de paroles. La brisure fondamentale et vivante de ta voix, je veux la sentir s’ouvrir dans mon cou et dans l’écheveau de ma tête.

Ô soliloque des cadavres, ô rachis aigre du souvenir, je vous conjure à présent ; allez, et laissez régner en ma poitrine le merveilleux et violent millénaire de l’amour.