Entrailles de la montagne

et je sais, colère intarie et solitaire
je sais que des entrailles de la montagne jaillit l’orage très vieux
dur comme le premier arbre,
céleste comme le sein d’une femme endormie
l’orage qui se lève pour prononcer sa parole d’ossements
charriant son odeur métallique d’humus et de bois sourd

je suis debout
pleine d’incertitudes corrélées
mais je sais que des entrailles de la montagne jaillit le son épais de l’orage
lorsque les gouffres enflent jusqu’à l’éclair et s’effondrent
en un lent fracas de nuit

brille le ciel noir
luit la montagne
je demeure
tandis que la pierre gonflée du tonnerre déploie son mystère d’enfance et de mort
tandis que la pluie se mêle à l’or terni du soir
tandis que dans les forêts s’échafaude un long murmure de hérissons et de dieux fatigués
le long de mes bras remontent mille frémissements obscurs
au fond de mon torse mille fouissements
flancs bruns frappés de vent et de lumière
flancs de roches mal exaucées
flancs torrentiels assiégés de brume
oh cri inachevé du monde
auprès de l’orage
auprès de l’orage je demeure, épuisée, nourrie de pluie

1 Comment

  1. Il y a quelque chose là-dedans, qui me manque. De chez moi, chez moi qui n’existe plus, mais que je retrouve là.
    “l’orage qui se lève pour prononcer sa parole d’ossements”

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